Kiflice
J'ai une famille.... jusque là, rien de bien extraordinaire. Mais ma famille est bien plus étendue que ma simple famille biologique. J'ai une famille de coeur ; elle vient des Balkans, et plus exactement de Serbie. Cela fait 25 ans aujourd'hui que j'ai été adopté par cette belle et grande famille qui fait partie intégrante de mon existence. Je les aime ; j'y ai trouvé petits frères et petites soeurs qui, en plus de ma famille "de sang", me supportent au quotidien et savent être là lorsque le besoin s'en fait sentir. Cette famille de coeur a su m'apporter une richesse inestimable : une autre culture. Toutes les facettes de cette culture serbe me sont désormais familières, toutes ou presque s'entend. De cette culture, il est un aspect que je privilégie, et il ne faut pas être grand clerc pour deviner que je m'acharne encore aujourd'hui à décoder la cuisine serbe et ses mille et un trésors. Celle que je connais bien est celle du Sud de Beograd, à mi-chemin entre plaine et montagne, la région de Pozega, Uzice, Mokra Gora, Zlatibor........ C'est une cuisine que l'on pourrait qualifier - sans être péjoratif - de paysanne tant elle puise ses racines dans la terre et ses richesses.
Le légume roi est avant tout le chou (kupuc) qui se décline en quelques préparations savoureuses. La meilleure d'entre elles étant - selon moi - la salade de chou. Le chou blanc, voire rouge, est émincé très finement avant d'être assaisonné de sel, poivre, vinaigre de vin et huile avec un soupçon d'eau. Cette salade qui est présente à tous les repas, est brassée à pleines mains avant d'être oubliée quelques heures. Le chou s'attendrit et devient doux tout en conservant un léger craquant. De toutes les salades, c'est la plus rafinée. A celle-ci on peut ajouter la salade serbe ( tomates concombres, oignons et parfois fromage), qui elle aussi, est de toutes les tables. En été, on assiste à des orgies de pastèques énormes ( lubenica ), de fruits savoureux et gorgés de soleil - mention toute particulière et personnelle pour la divine framboise d'Arilje ( malina ) -.
Je pourrais écrire quinze pages sur mes coups de coeur et mes découvertes mais je me limiterai à celle qui m'a fait le plus chavirer. Si la culture du fromage est dit-on, française, voire néerlandaise, la Serbie n'est pas en reste avec les deux ou trois préparations laitières qu'elle connaît. La première et la plus fameuse est le "kajmak". Le lait est mis à tièdir dès la traite et écrémé. Cette crème est réservée et salée pour être longuement affinée et donne naissance au kajmak, fromage crémeux à souhait que l'on peut difficilement comparer. Il est à mi-chemin entre le beurre et la féta. Ce kajmac, malgré son prix élevé, est présent sur les tables aux côtés des salades, des légumes crus, etc.... Il accompagne divinement les viandes grillées, sur lesquelles il fond......... on frôle le péché.... non, c'est un péché.
On prépare aussi l'équivalent de la féta. Cette fois le lait est emprésuré et égoutté pour donner ce "sir" que l'on mange à toutes les sauces. On le retrouve souvent râpé grossièrement sur les légumes de la salade serbe. Lorsque je vivais au Kosovo, je m'échappais aussi souvent que possible pour une des enclaves serbes et me rassasier dans un " PESTOPAN" (restaurant). On y faisait grande table de cochonnailles de toutes sortes et grillées. Les énormes saucisses ou encore le roulé à la Karadjorjevic valaient la peine de faire de nombreux kilomètres. Dans ces restaurants, on accompagnait les viandes de bonnes grosses frites maison sur lesquelles le chef râpait du "sir". Indescriptible !!!!
Ici et aujourd'hui, je vais vous donner une petite recette. C'est un petit croissant au fromage qui viendra avec succès je pense, agrémenter un buffet, voire un gros apéritif. On les appelle KIFLICE, prononcer "kiflitssé".
Ingrédients :
1 kg de farine blanche,
25 grammes de levure de boulangerie fraîche,
200 grammes de beurre bien dur,
1 fromage frais, voire de la feta,
3 verres de lait entier,
2 cuillerées à café de sel fin,
4 cuillerées à soupe d'huile de tournesol,
de la dorure ( jaunes d'oeuf et eau ).
Préparation :
Préparer la "détrempe" en mélangeant la farine, la levure délayée dans un peu d'eau tiède, le sel et l'huile et le lait. Pétrir longuement pour obtenir une pâte proche de la pâte à pain.
Laisser lever deux heures, au tiède, couvert et à l'abri des courants d'air.
Faire tomber la pâte levée et la refaçonner avec un peu de farine. Elle doit être désormais bien souple et facile à travailler, sans coller. Fariner si nécessaire.
Couper le pâton en deux et l'étendre finement au rouleau. Râper la moitié du beurre sur la pâte étendue. Refermer en portefeuille et donner un tour, rouler, puis redonner un tour. Procéder ainsi de suite quatre ou cinq fois en faisant tourner le pâton dans le sens des aiguilles d'une montre. On cherche par là à obtenir un très léger feuilletage. Lorsque le pâton est ainsi travaillé, l'étendre à nouveau finement. Découper des triangles isocèles assez hauts.
"Tartiner" d'un peu de fromage frais ou émietter un peu de féta et rouler en forme de croissant ( de la base à la pointe ) sans presser sur le "corps" du croissant. Procéder ainsi jusqu'à épuisement avec les deux pâtons.
Poser sur une tôle à pâtisserie, couvrir d'un torchon et laisser encore "pousser" une petite heure. Préchauffer le four à 210°c.
Dorer les croissants au pinceau.
Enfourner pour quelques 25 à 30 minutes.
Les kiflice vont encore gonfler et devenir croustillants. Ils se dégustent nature, comme ça, encore tièdes.