La période de Noël et son cortège de festivités est sans nul doute celle ou les cuisines – dignes de ce nom – entrent en ébullition. Toutes les cultures qui sont concernées par cette célébration religieuse – n'en déplaise aux mauvais coucheurs à la laïcité mal placée – offrent à cette même époque tout un arpège de plats sucrés et salés qui résonnent dans tous les coeurs, les esprits..... et les ventres.
La perfide Albion n'est pas en reste et depuis plusieurs siècles propose quelques pépites pour célébrer dignement la Nativité. Toute le monde ou presque connait, au moins de réputation, le "Christmas pudding" qui fait faire la moue aux béotiens mais qui se révèle être un dessert d'une subtile alchimie. Qui n'a pas un jour, au collège ou au lycée, transpiré sur la traduction de la "recette traditionnelle" de ce dessert et frémi à la lecture de la quantité voire la nature des ingrédients. Accumulation limite indécente de fruits secs, la "pâte" ( batter, in English !) n'est là que pour "soutenir" la garniture. Très fortement parfumé et concentrant une quantité d'alcool effrayante, le Christmas pudding traditionnel ne peut se préparer sans recourir à un ingrédient incontournable que l'on se doit d'utiliser si l'on veut respecter la tradition. La graisse utilisée et appelée "suet" en Anglais, est une graisse d'une absolue pureté et totalement neutre en gout issue du règne animal. Présentée en petits granulés d'un blanc immaculé, le suet n'est rien d'autre que de la graisse de boeuf. Cette graisse est extraite de la couche graisseuse qui entoure les reins des bovins. Si la description peut paraitre dégoutante, il n'en reste pas moins que cette graisse est de loin la meilleure.
Aujourd'hui, le suet est quasi introuvable en France et on peut à défaut se rabattre sur le saindoux de porc mais ce dernier reste tout de même un peu trop prononcé dans sa saveur. Pas grave, vu le reste des ingrédients, cette saveur disparait.
Le Christmas pudding, comme son cousin le Christmas cake que je vais évoquer aujourd'hui, a une autre particularité : il se prépare TRES longtemps à l'avance ; des semaines, voire des mois et d'aucuns prétendent que certaines bonnes cuisinières du Royaume-Uni le préparaient même d'une année sur l'autre. Les sucres ( fruits et sucre ) alliés aux alcools en assuraient une excellente conservation.
Si lon rajoute à cela une longue cuisson ( vapeur pour le pudding et au four pour le cake ), le gâteau ne pouvait que se conserver sans risque. Traditionnellement emballé dans du "brown" ou "parchment paper", le Christmas pudding reposait sagement dans les "pantries" ( garde-manger ) des gentils intérieurs outre-Manche.
La différence entre le Christmas pudding et le Christmas cake vient d'abord de la cuisson et de l'état d'humidité. Le premier est cuit à la vapeur longuement avant de se dessécher dans sa période de repos pour finalement être imbibé d'un alcool chaud et flambé au moment de servir. Le Christmas cake quant à lui est cuit au four mais sera très régulièrement abreuvé de liquide ( ne nous voilons pas la face, de l'alcool ! ) durant tout son repos, soit un minimum de trois semaines. Le jour de la dégustation il sera donc bien moelleux et se dégustera ainsi, nature. Le pudding quant à lui est servi avec une généreuse quantité de "custard" bouillant. Le custard est un ancêtre de notre "crème anglaise" mais est un fait à mi-chemin entre la crème anglaise et sa grande soeur la pâtissière.
Le Christmas cake, si l'on respecte la tradition est également recouvert d'une couche de pâte d'amande avant de disparaitre sous une couche immaculée de fondant ou de pâte à sucre.
Aujourd'hui donc, je souhaitais vous livrer ma recette ( résultat de plusieurs tentatives ). Ne soyez pas surpris de la quantité de fruits mais le succès du gâteau repose sur cette abondance.
Ingrédients :
Préparation :
Suet
Un Christmas pudding
La veille :
Assembler tous les fruits de la garniture après avoir détaillé les plus gros en menus morceaux. Couvrir avec le rhum et le cognac, brasser et laisser macérer 24 heures.
Le jour même :
Préchauffer le four à 150°c, chaleur statique.
Chemiser un moule à manqué avec un fond de papier sulfurisé et les côtés avec une bande 1/3 plus haute que la hauteur du moule. Beurrer généreusement et placer au réfrigérateur.
Dans un grand cul de poule, battre le beurre pommade avec le sucre et le zeste du citron râpé. Ajouter les oeufs un par un en mélangeant bien. Ajouter progressivement toutes les poudres et les épices. Mélanger encore en incorporant la mélasse et l'extrait d'amande amère. En fonction de la nature de la farine, la pâte peut s'avérer être trop épaisse. Dans ce cas, la détendre avec les deux ou trois cuillerées à soupe de lait.
Lorsque le mélange est bien homogène, ajouter les fruits macérés sans les égoutter.
Mélanger doucement et longuement.
Verser la préparation dans le moule à manqué chemisé. Sur un torchon plié taper deux ou trois fois le fond du moule et lisser le dessus à la spatule mouillée.
Enfourner à 150°c pour un minimum de deux heures et demi. Le gâteau est cuit lorsqu'une brochette de bois piquée en son coeur en ressort sèche.
Sortir le gâteau et le laisser refroidir.
Une fois refroidi, le retourner sur un grand morceau de papier aluminium qui devra couvrir au moins le fond et les côtés.
Déposer le gâteau à l'envers dans une grande boite hermétique ( les boites de transports de gâteau en plastique sont idéales).
Piquer le fond d'une dizaine de trous avec une baguette chinoise.
Verser doucement l'équivalent d'un demi verre du liquide choisi. Recouvrir le dessus du gâteau ( qui est en fait le fond à la cuisson ) d'un papier sulfurisé et fermer correctement le contenant.
Arroser ainsi le gâteau tous les deux jours en veillant à le maintenir toujours bien fermé dans son contenant. Idéalement le temps de repos et d'imbibage est au minimum de dix jours.
On peut, pour respecter la tradition, choisir de le présenter décoré le jour du service. On peut alors déposer une première couche de pâte d'amandes puis une couche de pâte à sucre, les deux couches étant précédées d'un badigeonnage de confiture d'abricots réchauffée.
Si on préfère une version moins sucrée, on présente le Christmas cake tel quel, découpé en tranches assez fines que l'on déguste avec un thé corsé et brûlant.