Si d'aucun doivent chérir la mémoire de mon père, je pense que tous y attacheront l'image du jardinier. Son jardin, même s'il était plutôt rigoureux voire austère et sans fantaisie suscitait l'admiration de tous. Papa était un fin jardinier. Sa production ravissait tout l'entourage proche : famille, voisins et amis. Personne ne quittait la maison, au gré de saisons sans sa feuille de journal roulée qui pouvait contenir soit une grosse et belle salade, soit des courgettes monstrueuses et durant l'été ses sublimissimes tomates. Peu enclin à la fantaisie il s'est toujours cantonné à quelques variétés, qu'il semait, faisait lever, repiquait en châssis et plantait finalement en rangs tirés au cordeau.
Qui de nous ne se souvient pas de lui, en marcel bleu, le soir à la tombée du jour, arrosant inlassablement ses tomates et toutes ses autres plantations, tirant de l'eau dans le "tonneau" ou puisant dans les arrosoirs de fer qui avaient chauffé toute la journée sous l'étendage à linge.
C'est bien connu, en vieillissant on chérit ces images, ces odeurs et ces tomates.
Lorsque ses tomates - qui très souvent terminaient leur maturité alignées sur les murets - étaient à point, nous avions très souvent droit aux "oeufs à la provençale". Ce plat simple, sans chichi, s'alignait avec la "casse de patates sautées" ( coupées inexorablement par son petit couteau en cubes très petits ) ou encore à l'énorme saladier de salade verte avec la sauce maison, à la moutarde s'entend, avec sa grosse échalote et ses deux ou trois gousses d'ail hachées. On ne parlait pas d'étoiles, on ne visait pas haut mais ces repas, "sous la véranda" valaient les plus chics des restaurants.
Les oeufs à la provençale !
Ingrédients :
Préparation :
Peler les tomates : avec le dos non coupant d'un couteau d'office, les "flétrir" délicatement en passant la lame et en appuyant très légèrement. Lorsque toute la tomate est ainsi "flétrie", découper la partie verte autour du pédoncule et tirer les lambeaux de peau qui se retirent comme par magie. Procéder au dessus d'un contenant pour ne pas perdre une goutte du jus précieux et gouteux.
Lorsque les tomates sont pelées, réserver.
Faire chauffer deux ou trois cuillerées à soupe d'huile dans une grande sauteuse, assez large.
Eplucher les oignons et l'ail. Couper les oignons finement et les mettre à fondre dans l'huile sans chercher à obtenir une quelconque coloration. Lorsque les oignons sont translucides, ajouter les tomates, le thym et les gousses d'ail hachées. Saler et poivrer plutôt généreusement.
Ecraser les tomates grossièrement avec une cuillère en bois et mélanger.
Couvrir et laisser cuire à feu très doux en mélangeant souvent.
Après 40 minutes, toute l'eau de végétation doit quasiment avoir disparu. Gouter et rectifier l'assaisonnement au besoin.
Avec la cuillère en bois, ménager un trou dans la compotée de tomate et y verser un oeuf préalablement cassé dans une tasse. Mettre autant d'oeufs que souhaité - et que possible !
Procéder assez rapidement pour avoir un degré de cuisson des oeufs plutôt homogène. En fonction des gouts, laisser cuire à découvert ou boucher la sauteuse si l'on préfère les blancs assez cuits.
Papa, au milieu.
Ce plat se suffit à lui-même. Je l'ai récemment préparé en famille et pour donner un côté plus gourmand, je l'ai servi sur des belles tranches de pain ( maison et cuit au four à bois de Jean-Paul ! ) légèrement toastées.